Pourquoi l’Afrique Pleure Et S’enfonce-t-elle ? Les Vraies Causes Et Solutions De La Misère Africaine



Photo Credit: Dr. Roland Holou (www.RolandHolou.com).

1- ”La situation que vit l’Afrique est un problème d’inadaptation des modèles et idéologies contemporaines dominantes au contexte sociohistorique propre du continent ou est-ce plutôt ailleurs qu’il faut chercher les vraies raisons des échecs” ? Selon vous quelles sont les sources réelles (externes et internes) de la misère en Afrique ?

La réponse aux questions de développement n’est pas aisée compte tenu des multiples facteurs à intégrer dans le processus. Mais la succession et la diversité des échecs enregistrés sur le continent noir donnent raison à chercher les vraies causes de la misère africaine en dehors de la version classique jusque-là acceptée. En fait, le fonds du problème est que les cadres et intellectuels africains sont incapables d’appliquer intelligemment leur connaissance pour sortir le continent noir de la souffrance. Mais ce qui est pitoyable et regrettable c’est que les Africains qui arrivent à trouver la solution et qui veulent parler ou agir dans l’intérêt des peuples sont bloqués par beaucoup de facteurs allant de la famille jusqu’au sommet de l’Etat en passant par les contraintes internationales, le syndicalisme radical, les opposants, la sorcellerie, et par-dessus tout, les mentalités erronées des Africains.

2- Selon vous pourquoi l’Afrique pleure et s’enfonce-t-elle ? L´Afrique se refuse-t-elle, ou tarde-elle à payer le prix imaginaire et réel de l´avenir de ses propres enfants ? Ou les forces occultes qui l´entravent et la menacent sont plus fortes que la volonté de ce continent ?

La question est complexe mais je la résume ainsi :

1. Au lieu de voir leurs problèmes en face, les Africains continuent à accuser les autres ;

2. Beaucoup d’Africains ont peur de réfléchir ou ne veulent pas réfléchir;

3. Beaucoup ont peur de parler ou ne veulent ou ne peuvent pas le faire ;

4. Beaucoup ont peur d’agir ou ne veulent pas le faire;

5. Beaucoup de dirigeants sont des tarés et ou ne veulent pas apprendre;

6. Beaucoup ont la connaissance mais ne veulent ou ne peuvent pas l’appliquer;

7. Beaucoup de religieux sont tellement accrochés à des visions étriquées au point où ils ont oublié la politique ;

8. Beaucoup de politiciens sont peu techniques ;

9. Beaucoup de techniciens ne veulent pas se mêler à la politique ;

10. Quand les dictateurs vont au pouvoir, ils font ce qu’ils veulent ;

11. Quand les politiciens sont au pouvoir ils écoutent peu les techniciens ;

12. Quand les techniciens prennent le pouvoir, ils agissent tout comme si tout était technique ;

13. Il y a un syndicalisme radical et une opposition politique qui tue l’Afrique ;

14. Beaucoup de compétences sont bafouées ;

15. Quand on sent que quelqu’un veut devenir quelque chose, on l’Elimine !

16. Ainsi, l’Afrique élimine ou rejette facilement ses bras valides ;

17. Les cerveaux sont peu promus et peu écoutés ;

18. Beaucoup ne veulent contribuer au succès des actions n’allant qu’à leur crédit ;

19. En réalité, il y a une mentalité et une méchanceté africaine qui ne permettront jamais et jamais encore le décollage et le progrès du continent noir ;

20. Beaucoup de compétents bras valides pouvant faire la différence chôment à la maison au profit des fainéants promus par leurs proches à des postes très importants et sensibles ;

21. Les diplômes ne sont toujours pas le symbole d’une dose de connaissance pouvant enclencher le développement ;

22. Les causes classiques du sous-développement de l’Afrique ont toujours ignoré la vraie dimension spirituelle du problème telle que la sorcellerie, etc.  ;

23. Malheureusement, alors que les problèmes déjà existants n’ont pas encore été résolus, la procréation anarchique en Afrique multiplie la misère et les autres problèmes de sous-développement à des vitesses effroyables ;

24. Dans cette galère, beaucoup de cerveaux fuient l’Afrique au profit de l’étranger.

25. Et par-dessus tout, les puissances étrangères maintiennent tactiquement l’Afrique dans la misère, etc.

3- Peut-on se développer, selon vous, en négligeant ou en se refusant à produire les moyens et les instruments de développement ? Quel est d´après vous le rapport qu´il y a entre l´Afrique et ses élites, et pouvez-vous nous dire si ceux-ci remplissent valablement leurs devoirs ?

Pour sortir du sous-développement, la première ressource à valoriser c’est l’Homme. Mais l’amère vérité est que les cadres africains ont vachement failli dans leur mission, et beaucoup d’entre eux continuent à plonger le continent noir dans le mauvais sens, plus que ne le font les puissances étrangères qui veulent à tout prix profiter de leur pauvreté pour demeurer en avance ! Ces puissances étrangères intoxiquent, anéantissent et cherchent à contrôler l’Afrique certes, mais la réalité est que certains cadres africains ont livré et continuent à livrer leur continent. Chacun semble s’accrocher à la résolution de ses problèmes personnels, à la défense des intérêts de son parti, à la recherche d’un travail pour la survie, etc., sans en réalité se soucier du problème du développement des nations d’un point de vue plus large et noble. Cela ne veut pas dire que tous les Africains ne font rien pour se développer car, depuis l’ère de l’esclavage, du colonialisme, jusqu’à nos jours, certains intellectuels africains cogitent mais n’ont pas encore trouvé la solution définitive à cette misère. Et le chemin semble encore long, très long d’ailleurs!

4- Réné Dumont disait dans les années 60, que l’Afrique noire était mal partie. Nous sommes en 2008 aujourd’hui quel est l’état du continent Africain ? Et comment, d´après vous, on peut changer les choses au mieux ?

Non seulement l’Afrique était mal partie, mais surtout elle n’est jamais arrivée et ses intellectuels ne savent pas là où ils la drainent. Pendant quatre siècles, l’esclavage avait vidé l’Afrique de ses ressources humaines certes ; les colons ont volé ses richesses naturelles pendant des siècles certes, de nos jours, on l’enferme sans fondement dans des dettes à payer sur des millénaires certes ; de nouvelles variétés de domination et d’exploitation continuent leur cour certes ; mais le gros lot du problème et de la solution à la misère africaine reviennent aux Africains eux-mêmes. Ce ne sont pas les Occidentaux qui viendront relever leur continent car, ils n’ont pas un grand intérêt à faire cela. Ainsi, pour trouver la solution durable à cette misère africaine, il faut une révolution des intellectuels africains avertis et un soutien du peuple noir ! Cela inclura beaucoup de reformes tels qu’à l’endroit des systèmes éducatifs, des régimes politiques, des recrutements, de la recherche scientifique, de la créativité, de la démographie, de la promotion des compétences, de la lutte contre les sorciers et les mentalités, etc.

En particulier, tant qu’on continuera à saccager la formation des jeunes africains et à promouvoir la médiocrité et l’incompétence, le décollage du continent noir ne serait pas pour demain; car la jeunesse africaine ne pourra pas relever les défis qui l’attendent si, durant sa formation, elle vivote dans des systèmes éducatifs dominés par le bûching avant de se jeter dans la pagaille organisée par les vieux et la magouille diplomatique des puissances extérieures.

5- Dans votre livre, vous dites, je cite: ”Beaucoup d’Africains ont peur de réfléchir ou ne veulent pas réfléchir ; beaucoup ont peur d’agir ou ne veulent pas agir; beaucoup ont la connaissance mais ne veulent ou ne peuvent pas appliquer leur savoir” Est-ce de l’Afro pessimisme; de l’autoflagellation ? Comment peut-on sortir de ce cercle vicieux ?

Il ne faut pas être optimiste à outrance et occulter la réalité. La vérité est que pendant que beaucoup de cadres africains sont bloqués, d’autres sont ignorants et animés de mauvaise volonté. Cet état de choses a conditionné les cerveaux et a disposé inconsciemment beaucoup d’Africains dans des comportements passifs et nuisibles à l’essor de leur continent. En fait, les maux minant l’essor de l’Afrique sont en grande partie déjà connus certes, mais toutes les couches responsables ne partagent pas le minimum de convictions pouvant aider à avoir une action concertée et unique vers le développement. Les populations africaines ont donc besoin d’être bien renseignées sur les causes profondes de leur sous-développement car, la clarification et la compréhension des responsabilités de chacun détermineront l’intensité des participations individuelle et collective à la résolution globale des maux qui ravagent le continent.

6- Vous dites et je cite: ”Non seulement la polygamie et la gestion du sexe paraissent une des causes du sous-développement de l’Afrique, mais aussi elles constituent une vraie culture de la misère africaine” quand nous faisons le parallèle avec les pays occidentaux, pourquoi pensez-vous que les repères en Afrique devraient être uniformes à ceux de l’Occident ? Ne croyez-vous pas qu’il faut ajouter à cette question le phénomène de l’ignorance (surtout des femmes) mais aussi celui du manque de perspectives professionnelles et d´emploi ?

Mon livre ne vise pas à comparer les nations africaines aux autres, et ne se veut non plus un bouc émissaire dans la tuerie qui se trame contre les pays africains qui luttent déjà pour leur émergence. Mais sur le plan démographique, la vitesse d’apparition au monde des individus en Afrique dépasse les potentialités d’encadrement et de suivi durable que leur milieu et leurs parents leur offrent.

Evidemment, l’ignorance, l’inconscience, l’irresponsabilité, les réalités culturelles et l’absence de lois par rapport à la fertilité et la taille des foyers sont les causes de la forte prolificité en Afrique. C’est pourquoi les méthodes contraceptives doivent aussi être mieux promues pour un meilleur contrôle des naissances. Car, si l’Africain n’a pas assez de moyens de se suffire et le peu qu’il a doit être distribué entre un grand nombre d’individus, l’output ne peut être que l’amplification de la misère. Mais réduire la masse des bouches à nourrir avec le peu existant pourrait déjà donner plus de moyens à ceux qui en bénéficieraient. En outre, chaque enfant né sans suivi conséquent est un problème créé à gérer dans 25 ans, une bombe à retardement.

7- Selon vous ou devrait vivre l’intellectuel Africain, en Afrique ou en dehors de l’Afrique?

C’est souhaitable que chacun puisse vivre, s’épanouir librement dans son milieu natal et contribuer à son développement. Malheureusement, les contraintes politiques, sociologiques et économiques ne permettent pas toujours cette liberté de vie. Par exemple, certains Africains ont été si blessés qu’ils ne pensent même pas revenir en arrière. Et ceux d’entre eux qui sont restés au pays cherchent des tuyaux pour s’envoler vers l’extérieur. Quant aux Africains qui sont à l’étranger, ni ceux qui ont réussi, ni ceux qui ont échoué ne veulent non plus rentrer chez eux pour gouter à nouveau à la « misère » ou pour se faire honnir et humilier par les critiques et les blocages. Et ceux qui ont été rapatriés de force veulent encore repartir à l’étranger tout comme si le paradis c’est l’occident !

Ainsi, bien que les mouvements « forcés » des intellectuels africains nuisent à l’Afrique, le fonds du problème de ce continent ne se trouve pas tellement dans la localisation géographique de ses cerveaux. C’est pourquoi je crois qu’où qu’il soit, l’intellectuel africain peut toujours être utile à sa terre natale à travers des collaborations positives de tous genres.

8- Quelles peuvent être les conceptions de l’éducation-socio-politico-culturelle de l’Afrique selon vous pour que ses paramètres soient à mesure d´être efficaces, de rendre réellement services aux sociétés africaines gangrenées et affaiblies par le sous-développement?

Le problème de l’éducation est mondial certes, mais le cas de l’Afrique mérite d’être pris très au sérieux car, les dérives et les carences sont notoires. Ainsi, en fonction de leur objectif de développement et réalités intrinsèques, les pays africains doivent redéfinir le type de cadres et de leaders dont ils ont besoin. Il peut s’agir d’une conférence à l’échelle nationale, pas nécessairement souveraine pendant laquelle les cadres locaux et ceux de la diaspora vont travailler ensemble pour redéfinir les priorités des systèmes éducatifs. Le contexte international de l’éducation doit être pris en compte lors de ces assises. Il ne s’agirait pas d’un travail où les mouvements syndicaux, la société civile, les parties politiques et le gouvernement vont s’affronter sur des intérêts partisans; mais plutôt d’une importante tâche de sacrifice pour un meilleur avenir de la postérité. Il suffirait d’une bonne volonté pour pondre le programme d’aménagement et de réorientation des systèmes éducatifs en Afrique. Des organes de contrôle, des mesures d’accompagnement et des lois doivent être prises ou installés pour suivre et pour ajuster au fur et à mesure le déroulement des programmes de façon à éviter leur remise en cause par les mouvements syndicalistes ou les régimes politiques, etc.

9- Comment établir une conception et une gestion du pouvoir en Afrique qui soit à la hauteur des défis auxquels les africains sont confrontés, quelle théorie du pouvoir l’Afrique devrait-elle adopter ? Quelles exigences du pouvoir l´Afrique doit-elle exiger de ses représentants ? Historique, technologique, déontologique, politique, économique, scientifique, culturel ?

Par-dessus tout, il s’avère très important de redéfinir la fonction de l’état et de l’individu en Afrique car, l’avenir des pays africains ne peut plus être laissé entre les mains des politiciens seuls. Les systèmes politiques africains comportent dans leur ensemble des imperfections dont il serait injuste d’attribuer la responsabilité exclusive à telle ou telle formation politique.

Chaque Africain doit désormais éviter de faire porter le chapeau des dérives à son prochain ou une formation politique concurrente, mais rechercher plutôt à son propre niveau tout ce qui est répréhensible et de nature à perturber le processus de développement, afin de redonner espoir définitivement.

10-S’il fallait commencer demain la réalisation ou la mise en œuvre des solutions que vous préconisez dans votre livre, par quelle solution faut-il commencer? Quelle est l’urgence en Afrique maintenant selon-vous ?

La complexité des maux du continent noir invite à des actions systémiques et bien planifiées plus qu’à la précipitation et à la résolution coup par coup. Les Africains doivent être éduqués sur les vrais fondements de leur misère, cesser d’accuser les Blancs et changer de mentalité car ils ont déjà toutes les ressources qu’il lui faut pour se développer.

11- Comme vous le savez, nous devons, en Afrique comme partout dans le monde, veiller sur nos intérêts. L’Afrique est en ce moment fort courtisée par les chinois. Croyez-vous que cela représente une chance réelle pour ce continent ou serons-nous de nouveau trompés et abusés comme avec les occidentaux pendant 600 ans ?

C’est possible que l’actuelle expérience de l’Afrique avec la Chine débouche sur de nouveaux horizons. Mais l’Afrique doit être prudente car, autant les Africains cherchent à se développer, autant les Blancs aussi veulent prospérer. Et comme le cœur de l’homme est souvent tordu et incompréhensible, il est difficile qu’il soit satisfait au point d’agir en toute libéralité sans arrière-pensée !

Du moment où les blancs n’ont pas un grand intérêt à libérer l’Afrique, le gros lot du travail revient aux Africains eux-mêmes. Et pour cela, l’Africain qui continue à penser que c’est les blancs qui apporteraient la solution de sa misère, comme un gâteau dans un plat de dîner ou un comprimé qu’on donne à un malade, est comme cette souris qui va se présenter à un chat, dont elle aurait appris la repentance, pour louer Dieu.

Ainsi, si les Africains peuvent changer de mentalités, mieux prendre conscience, mieux s’entendre, mieux s’écouter les uns les autres, et savoir qu’ils sont les mêmes, ils ont déjà tout ce qu’il faut pour se développer dans cette jungle où les plus forts cherchent à tout prix à déchirer ou à éliminer les faibles ! Au-delà de tout, j’ai espoir car Dieu n’a pas prédestiné l’Afrique à la misère !

Reference du livre: 

Holou R. A. Y., 2015. Pourquoi l’Afrique pleure et s’enfonce? Les vraies causes et solutions de la misère africaine. Editions Universitaires Européennes. 156p. Allemagne. ISBN-13: 978-3-8416-6412-9 ; ISBN-10: 3841664121.